mercredi, août 13, 2008
mardi, septembre 05, 2006
mercredi, mai 17, 2006
La DAME du BOUGAINVILLEE
CETTE PETITE NOUVELLE TOURNE AUTOUR D'UNE FEMME! IL RESTE AUX LECTEURS QUE VOUS ÊTES D'IMAGINER LA DERNIERE REPLIQUE DE CETTE "DAME DU BOUGAINVILLEE" FACE A "L'HOMME DE LA BAIE DE CARTHAGE"...
A vous de jouer mesdames et messieurs! Keep going! Merci!
Il fait chaud. Très chaud. 39 degrés à l’ombre. Ce beau restaurant en front de mer, sur les collines de Carthage est pourtant bien aéré avec sa vaste terrasse ombragée.
Il est 13H30, le restaurant est plein, à l’exception d’une seule et unique table sous un géant bougainvillée blanc.Soudain, voilà que tous ces messieurs, clients du restaurant, délaissent leur poisson frais, la fourchette suspendue et essayent de retenir, avec pudeur, leur émoi.Elle est grande, jeune, belle et surtout bien cachée sous de larges lunettes noires, à moitié habillée d’une micro jupe de cotonnade blanche et d’un chemisier jaune canari bien décolleté.La table au bougainvillée devient rapidement le point de mire de tout le restaurant avec cette jeune dame qui ne cesse de gigoter, de se tortiller et de lire en tous sens, le menu du jour. Ses doigts effilés préservent une merveille : des ongles longs, coupés carrés et recouverts de vernis blanc. Ce détail esthétique prononce sa classe, son raffinement et son goût des belles choses.Un jeune homme, la trentaine naissante, piaffant d’impatience et retenant avec peine son afflux d’adrénaline débordant, se lève gauchement et se dirige vers la dame du bougainvillée. Il l’accoste sans vergogne et lui dit :
- « Madame, vous êtes seule depuis une demi-heure avec votre escalope pommes frites à moitié calcinée et vous ne remarquez même pas cette belle Méditerranée qui porte le souvenir des éléphants d’Hannibal ».Sans même le regarder, la dame continue à découper sa viande.
- « Permettez, Madame, que je partage votre table. On aura tous deux meilleur appétit et cela sera moins triste pour nous ».Soudain c’est la catastrophe ! La fée magique se transforme en une furie qui se dresse d’un bond et qui lui dit :
- « Mais enfin, pour qui me prenez vous Monsieur, pour une prostituée? Vous êtes un ignoble, un voyou et je suis surtout fâché contre la direction de ce restaurant qui permet l’entrée à de pareils énergumènes. Allez chercher ailleurs votre genre de femmes! »
Interloqué, pâle et muet, il reste figé sur place. A reculons, il regagne sa table sous les regards réprobateurs des autres clients. Il ne savait ni quoi faire ni où cacher sa gêne. Il ne comprendra donc jamais les femmes !Pourquoi une si belle créature peut-elle agir ainsi ?
Buvant sa honte à petites gorgées, il contemple sa viande refroidie! Tant de plats se mangent « à froid », mais comment se vengera-t-il? Les ténèbres de Carthage dévoilent soudain un visage accroché à l'écume qui vient mourir langoureusement sur la muraille du restaurant. Elle est là. La majestueuse et énigmatique Salambô quittant les bras d'un mercenaire et plus tard ceux de Gustave Flaubert. Le film est rapide: « Lors de la première Guerre punique, qui a opposé Rome à Carthage, cette dernière a fait appel à des mercenaires de différentes nationalités. C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Amilcar. Les mercenaires rentrés de Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d'Eryx. Ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. »
De son côté, la dame du bougainvillée blanc était perdue dans ses ténèbres.Mauvaise conscience pressante, elle réalise son geste stupide et trouve rapidement un début de solution, en repensant à l’histoire de la déesse Tanit et de l’héroïne Salambô, sur les ruines de cette même cité punique, Carthage. Elle retrouve dans les tréfonds de sa mémoire, la tactique de l'héroïne: « las d'attendre d'être payés, les mercenaires qui ont combattu Rome pour le compte de Carthage se sont révoltés. L'un d'entre eux, Mâtho le Libyen, réussit à s'introduire dans le temple de la ville et à voler Zaïmph, le voile sacré protecteur de Carthage, de la déesse lunaire Tanit, dont dépend, croit-on, le destin de la ville ».
Pour sauver Carthage, on fait appel à Amilcar Barca. Sur les conseils du grand prêtre Schahabarim, Salambô, la fille d'Amilcar, se rend au camp des mercenaires, se donne à Mâtho et parvient à dérober le talisman,le voile de Tanit…
Mais accepter la compagnie de l’intrus de ce restaurant est exclu. Il n’y a point de talisman à récupérer…Que faire pour réparer l’affront fait au jeune homme ?Elle se déploie langoureusement, ôte ses lunettes faisant paraître ses beaux yeux verts et s’avance conquérante vers sa jeune proie blessée.Derechef, elle tire une chaise et s’assoit face à lui :
- « Monsieur, je vous est peut-être choqué par mes propos, veuillez m’en excuser». La dame aux beaux ongles blancs reprend son souffle, baisse les yeux et confesse timidement la chose suivante :- « Monsieur, j’étais dans mes ténèbres de Phénicie et de Carthage. De mère libanaise, j’ai décidé de découvrir mon pays maternel la semaine prochaine, malgré la guerre et l’insécurité. J’étais dans mes rêveries voyageuses, entre Tyr et sa fille Carthage, entre mes oncles inconnus et ce Liban mystérieux, quand vous osâtes interrompre mon voyage pour me parler de repas refroidis ». Le fixant droit dans les yeux, elle lui lâche une dernière phrase : « Bon appétit Monsieur ! ». Elle regagne fièrement sa table et retrouve ses pommes frites.
Ne comprenant rien à ce verbiage et se sentant toujours frustré et refoulé, il broie sa mésaventure et l’échec de son approche. Il persiste et signe. Il a déjà trouvé sa réplique. Il se lève énergiquement et se dirige tête haute vers la dame du bougainvillée. Fou de rage, face à elle et à tu tête, il lui crie :
- “Mais vous êtes folle, vous êtes cinglée. 500 dollars pour envisager la... soirée avec vous?”
Rached Trimèche
(Juin 1995)www.cigv-online.com
&
http://rachedelgreco.blogspirit.com
vendredi, avril 14, 2006
La mémoire du Voyageur
Voyage vers les autres, voyage vers l’Autre
Par Rached Trimèche
N’était-ce et ne fût-ce la magie de la mémoire, le voyage de la vie serait dénué de tout fondement. Le Voyageur qui écume les océans, traverse les plaines et arpente les forêts, n’est doté que d’une seule arme : les trésors de sa mémoire, qui s’étalent de l’apprentissage des langues étrangères à la connaissance de la culture de l’Autre.
C’est une phrase du Cigéviste et Prix Nobel de Physique, le professeur Pierre-Gilles de Genne, lors d’une conférence à l’Université de Tunis le mois passé, qui déclencha en moi cette envie de sonder un peu plus la mémoire du Voyageur. Au professeur de dire : « Un être humain normal a en mémoire 100 000 mots s’il ne parle qu’une seule langue. Par contre, celui qui en parle neuf par exemple et qui, de surcroît, est voyageur, a une réserve d’un million de mots en mémoire et non pas uniquement 900 000… ».
Je revois soudain notre petit avion bimoteur atterrissant sur un minuscule rocher de l’archipel Juan Fernandez à l’île de Pâques. Ma mémoire visualise une centaine de fleurs de pavot dansant au gré du vent et narguant notre petit avion.
Le pavot n’est pas un pavot mais une fleur similaire dite amabolla d’un rouge aussi vif que celui d’un coquelicot : ma mémoire l’a habillée de deux robes différentes. La première était celle d’une odeur âcre et persistante et d’une couleur sombre et sinistre : un fumoir d’opium à Luang Prabang, au Laos, en 1973. La seconde image, simultanée et immédiate, est celle d’un champ de tulipes au port altier, aussi aguichantes que ces pavots dansants, avec le même bruit du vent et la même danse qu’au village miniaturisé de Madurodum, en Hollande, en 1969. Quelle est donc cette machine qui, en quelques secondes, lors du fracassant atterrissage d’un petit avion au bout du monde, retrouve avec netteté et force couleurs, sons et odeurs des clichés demeurés intacts après plus de 30 ans ? La Mémoire !
Quid de cette mémoire ?
Notre esprit est fait d’émotions pour aimer et apprécier, d’intelligence pour comprendre et enfin de mémoire pour agir. Cette mémoire permet d’acquérir l’information, de la conserver et de la restituer.
Tel un muscle, la mémoire se fortifie à l’emploi. Pour éveiller les sens, il faut aiguiser l’intérêt qui permet ainsi à la mémoire de se développer. Pour son bon fonctionnement, elle exige également forme et santé. Le sujet non fatigué qui boit les paroles de l’autre ou avale la page d’un livre gravera facilement le message dans sa mémoire.
Face à l’énigme de la mémoire, St Augustin disait déjà au Ve siècle : « L’esprit de l’homme est trop petit pour se comprendre lui-même ».
Comment fait donc notre mystérieux cerveau pour comprendre et restituer ?
Nous disposons de près de 50 milliards de neurones dans notre cerveau. Des milliers de milliards de synapses, ou points de rencontre, permettent aux neurones de communiquer. Leur fonction est donc de recevoir, de conserver et enfin de transmettre les informations reçues au moment voulu.
Pour garder cette machine en marche, il faut l’utiliser à fond. Et toujours. La mémoire ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.
Les champs d’activité de la mémoire sont innombrables. Apprendre les langues étrangères dope notre mémoire d’une façon fantastique. D’autant plus que le Voyageur, par cette langue nouvelle, pénètrera le giron, la culture et la pensée de l’Autre. Le Voyageur polyglotte est ainsi beaucoup plus riche. Pendant le voyage, les innombrables flash-back poussent nos neurones à une véritable danse du feu. En quelques secondes et par analogie, on délaisse le monstre du Loch Ness en Ecosse, pour rechercher la grenouille sacrée orangée et noire d’Atelopus, au lac Titicaca, en passant par l’incroyable et vieux dinosaure des mers encore vivant, le coelacanthe des îles Comores. Mémoire quand tu nous tiens...
Le voyage permet donc la rencontre avec les autres et avec l’Autre, il est ainsi un détenteur fascinant de l’altérité, qui est une valeur en soi.
L’écriture du voyage, basée sur la mémoire, servira alors à prolonger le voyage. Cette écriture devient un acte mémoriel, avec une grande variété spatiale, temporelle et linguistique.
Innovant l’enseignement, les Anglais interpellent la mémoire et lancent aujourd’hui sur le Web, une méthode ludique et interactive pour apprendre l’anglais : « Tell me more kids » se fonde sur la technologie de la reconnaissance vocale du professeur Phileas et du perroquet Kaliko. Les jeux, le karaoké et les dessins animés en feront de même pour stimuler la mémoire.
Dans la vie pratique, La mémoire accessoire sera de plus en plus présente, sous forme d’ordinateur, de super téléphone portable, d’un MP3, d’un iPod, d’un GPS ou d’un précieux organiser.
La « Mémoire générationnelle » qui transmet la culture, l’identité et l’art des aïeux est différente de la « Mémoire historique » qui relate les grands événements et qui se veut aussi une morale. Les Allemands n’ont-ils pas mis au point une nouvelle approche dite « Gegen das Vergessen » ou « Contre l’oubli » afin que la mémoire collective allemande comprenne ses maux, panse ses plaies et se réconcilie avec son Histoire ? Un devoir de mémoire nous permettra de renouer avec un passé aussi tumultueux soit-il pour en extraire les germes d’un futur plus serein sur le chemin de la Paix !
Le « Respect du passé », nous permet également de rendre hommage à nos aînés, à nos héros et à nos pères. Rendre à César ce qui est à César. La mémoire sera ainsi un gage d’éternité tel que le décrit si bien Vladimir Yankelevich “ Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir été est son viatique pour l’éternité ».
Reste tout un champ de mystérieuses mémoires, inexplicables et encore inexplorées, telles la transmission de pensée, la télépathie ou encore la mémoire intra-utérine. Le père de la psychanalyse moderne Sigmund Freud n’a-t-il pas découvert une autre face de la mémoire le « Unterbewusstsein » ou « l’inconscient ».
Il faut peut-être savoir attacher du prix à l’inutile et utiliser parfois la mémoire qui imagine plutôt que celle qui répète ! Il faut vouloir rêver, le voyageur en est peut-être capable !
Le voyage est encore long ! La génétique enfin, nous permettra un jour, de sauvegarder notre mémoire, basée sur un « capital neurones » non renouvelable !
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage et qui a doté sa mémoire de la culture des autres afin de mieux comprendre et aimer cet Autre.
Bon vent, bon voyage et heureuse année 2006 à tous les lecteurs d’Astrolabe !
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Rached Trimèche
www.cigv.com